"Jeffrey Epstein : Filthy Rich" : la parole est aux victimes (2024)

La série-documentaire Filthy Rich, enquête sur le trafic sexuel de dizaines de mineures, mis en place par et pour le milliardaire Jeffrey Epstein, est déconseillée aux abonnés Netflix de moins de 16 ans. Car les révélations faites sont sordides, choquantes.

Les témoignages de huit "survivantes" de Jeffrey Epstein

Huit victimes témoignent courageusem*nt face à la caméra de la réalisatrice Lisa Bryant et du documentaristeJoe Berlinger, dans ce documentaire en quatre parties de près d'une heure chacune, disponible sur Netflix depuis le 27 mai.

Ces femmes, Lisa Bryant les qualifie de survivantes plutôt que de victimes. De même que l'expression "terrain de chasse" est utilisée pour évoquer les lieux stratégiques où Ghislaine Maxwell, la compagne de Jeffrey Epstein, jouait son abject rôle de rabatteuse.Le documentaire, basé sur l’ouvrage du même titre de James Patterson, parle aussi de "traite", pour désigner le système pyramidal qui a permis au couple d'organiser durant 24 ans ce trafic sexuel de mineures. Le champ lexical est puissant et tourné vers les victimes duFilthy Rich(sale riche). Comme la caméra, qui place leur parole au cœur du documentaire.

Les sœur Faermer, Maria et Annie, sont les premières "survivantes" qui apparaissent à l'écran. En 1995, Maria, alors étudiante aux Beaux-Arts de New York, met en vente trois de ses premières toiles lors de l'exposition de fin d'année. Jeffrey Epstein et Ghislaine Maxwell sont de généreux donateurs de l'université, explique la doyenne de l'école et organisatrice de l'exposition, Eileen Guggenheim, à Maria Faermer, avant de la forcer à céder les trois tableaux à ses deux "chers amis".

"Nous te revaudrons ça", lâche le prédateur à la jeune étudiante. Elle et sa petite sœur, Annie, âgée de 16 ans à l'époque, seront invitées dans ses propriétés, Epstein leur fait miroiter des voyages d'études pour renforcer leur CV. Toutes deux y subiront des attouchements sexuels.

Des caméras cachées dans chaque pièce de ses maisons

Virginia Roberts Giuffre, principale accusatrice du milliardaire, témoigne à son tour. Elle raconte que son bourreau et intimidateur avait fait installer des caméras cachées dans chaque coin de ses maisons : dans les chambres, les salles de massage, les douches, même les toilettes. "Il regardait tout le monde, tout le temps. C’était pour faire du chantage, explique-t-elle. Quand il me disait 'Les gens me doivent des faveurs', 'Je ne me ferai jamais attraper' et 'Je m’en sors toujours', il le pensait."

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L'épisode 3, effroyable, se concentre sur l'île privée du milliardaire, où les filles arrivaient par son avion privé, écœurement nommée "Lolita Express".

Sur l' "île tragique", selon le titre de cette troisième heure de documentaire, Sarah Ransome est débarquée en 2006. Dès le vol, "Jeffrey a commencé à coucher de manière brutale avec une fille devant tout le monde", raconte-t-elle. Puis elle rembobine douloureusem*nt :"Tout le monde faisait semblant de dormir, et l’ignorait. J’ai trouvé ça vraiment étrange que personne ne réagisse… Donc j’ai fait semblant de m'endormir. Je ne savais pas où regarder. C’était traumatisant. C’est un souvenir toujours très vivace, et j’aurais dû m’en douter dès lors. J’aurais dû faire confiance à mon instinct. Mais ce ne fut pas le cas."

Ce que raconte ensuite Sarah Ransome est terrifiant. Dès la première nuit sur l'île cauchemardesque, Jeffrey Epstein l'a violée. Il recommencera, plusieurs fois durant le séjour.

Un jour où elle a tenté de s'enfuir de l'île, l'agresseur l'a retrouvée, "presque immédiatement". "Je savais que j'étais constamment surveillée", dit-elle, comme Viriginia Roberts Giuffre.

Le système judiciaire américain pointé du doigt

Dans les archives du documentaire, Jeffrey Epstein répète ces deux seuls mots : "Même réponse". En interrogatoire, l'homme d’affaires refuse de répondre aux questions sur ses rapports sexuels avec des mineures. Alors il invoque, à chaque question qui l'incrimine, l'Amendement V de la Constitution des États-Unis d'Amérique, qui offre la possibilité de ne pas témoigner contre soi-même. Il le cite une première fois, puis se contente d'un glaçant, car détaché, "même réponse". Jeffrey Epstein, de marbre, balaie ainsi chaque interrogation. Cette pesante scène, en ouverture du premier épisode, pointe du doigt cette limite de la justice américaine.

À maintes reprises, le documentaire montre aussi comment la fortune et l'influence d'Epstein l'ont aidé durant des années à contourner la case prison, avant son arrestation le 6 juillet 2019,dans un aéroport du New Jersey, alors qu’il revenait de Paris à bord de son avion privé.

L'homme d'affaires est alors accusé de trafic sexuel sur mineures, les plus jeunes avaient 14 ans. Il comparaît deux jours plus tard devant un tribunal fédéral à New York. Alors qu'il encourt la prison à perpétuité, l'homme reconnu coupable de deux chefs d’accusations - sollicitation à la prostitution et proxénétisme de mineure - est retrouvé pendu dans sa cellule, le 10 août.

Une frustrante part d'ombre

Ce puissant documentaire retrace précisément la chronologie des faits. Il permet d'appréhender la dimension tentaculaire, aussi internationale, du réseau de pédocriminalité construit par Jeffrey Epstein.

Mais après quatre heures de visionnage, alors que nous sommes comme saisi au fond de notre fauteuil, un étrange sentiment, celui de ne pas avoir tout vu, nous traverse. Il subsiste des zones d'ombre dans l'affaire Epstein, et le documentaire ne les a pas tant éclaircies.

Oui, un ex-employé de l'île privée confirme à la caméra y avoir vu le prince Andrew, fils d'Elizabeth II et frère du prince Charles, avec une jeune fille. "Elle était topless. Ils en étaient aux préliminaires. Il l’attrapait et se pressait contre elle", détaille-t-il, expliquant qu'il comprend aujourd'hui qu'il s'agissait de Virginia Roberts Giuffre, qui dit avoir été "livrée" au membre de la famille royale.

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Et puis ? Qu'en est-il des présidents Bill Clinton et Donald Trump, d'Harvey Weinstein, de Woody Allen, de l'ancien chef de la société Victoria's Secret, Les Wexner, ou encore, du comédien Kevin Spacey, tous cités dans l'affaire ?Frustration que l'enquête ne soit pas poussée un peu plus loin, du côté des puissants amis d'Epstein.

"Je suis sûre que beaucoup de gens souhaitaient sa mort", dit d'ailleurs Chauntae Davies, l'une des accusatrices d'Epstein, qui l'avait accompagné lors d'un voyage caritatif en Afrique, avec Bill Clinton. Et puis, elle lance : "Il savait beaucoup de choses, au sujet de beaucoup de personnes. Beaucoup de chantages, de vidéos et de photos."

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